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PAUL BOULITREAU - DÉSORDRES

 

La préface des Mots et les choses de Michel Foucault semble prévaloir aux Désordres de Paul Boulitreau, qu’un sous-titre, “ Série ”, vient toutefois contredire : l’ironie de l’oxymore introduit, après la confusion, la continuité d’une quête, la séquence d’un mouvement. Par la grâce d’un mot, la multitude des animaux fantastiques s’organise en bestiaire, la dispersion devient cortège, l’éclatement succession, la kyrielle palette. Par la grâce d’un mot ? Mais titre et sous-titre ne succèdent-t-il pas au geste premier du peintre ? C’est ici la gageure que semblent creuser ces oeuvres de Paul, reposant à nouveaux frais la question de l’image et du mot, du voir et du dire, du phénomène et du langage. Que savons-nous voir, qu’avons-nous appris à nommer, qu’oublions-nous de regarder ? Quels points aveugles préludent à ce qui nous permet d’observer, d’aperce-voir et de rece-voir, quel invisible porte ce que nous voyons ? Et que voyons-nous alors lorsque cet invisible est figuré ? La question de l’image et du mot, du voir et du dire n’est pas nouvelle. Les Désordres. Série viennent alors reposer cette question des agones du langage et du phénomène en débridant la limitation de cette série de combinaisons, en la brisant par d’impossibles rapprochements. On ne peut alors manquer de se demander ce qui décide de l’impossibilité, comme elle détermine le possible, et quel monde surgit lorsque l’impossible se retire. A parcourir d’un premier regard les peintures sur papier, sur verre et les sculptures, nous restons stupéfaits. Des animaux, des végétaux, des minéraux, entiers ou fragmentés, côtoient des objets et des vêtements morcelés et recomposés. L’inanimé et l’animé s’entrecroisent et effacent leurs frontières, les éléments grondent et se déchaînent, la terre tremble et se fissure, l’air se fige et s’obscurcit, l’eau s’incurve et s’ébroue et le feu ruisselle dans une déflagration de couleurs. Dans ce décor démultiplié, lorsque l’espace se fait sidéral, le ciel saigne sur la terre, devenue étrange planète aux étranges habitants, et la mer ouvre une échappée dans un horizon trop bleu pour être vrai. Lorsque l’espace se confine à l’intérieur d’une chambre, d’un coffre à jouets ou d’un placard, le plancher se cambre et s’érige en barreaux de prison projetant leurs ombres circonscrites par les pierres, ou se gondole, ondule et trouve son reflet dans des murs aux arabesques pointues, achevant l’enfermement. Les objets et les êtres s’enchevêtrent et se dévorent alors pour mieux s’unir et nous déconcerter. Nous perdons pieds et cherchons des repères. Que désirons-nous alors voir ? Quelles choses appelons-nous à la rescousse et à quels noms répondent-elles ?

 

Thamy Ayouch extrait de Désordres. Série – Juin 2012 Brésil 

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